Il faut en finir avec le « secret parenting »

Dans un monde du travail où la performance et la disponibilité sont souvent valorisées, certains salariés-parents préfèrent dissimuler leurs obligations familiales pour ne pas être perçus comme moins impliqués. On appelle ça le « secret parenting », un concept théorisé par l’économiste américaine Emily Oster qui reflète bien les difficultés persistantes des salariés-parents à concilier vie pro et vie perso.
La parentalité toujours vécue comme « un parcours du combattant »
Un rendez-vous chez le pédiatre transformé en « urgence personnelle », un départ précipité pour aller chercher à la crèche un enfant malade justifiée par un « petit imprévu », un afterwork difficile à refuser alors que les enfants doivent être récupérés… D’après l’ANACT, le « secret parenting » touche particulièrement les mères, mais pas seulement. Les pères, nombreux à souhaiter être plus présents auprès de leurs enfants, peinent à concilier parentalité et carrière.
D’après une étude publiée en 2023 par l’Observatoire The Boson Project, 77 % des parents considèrent en effet le fait de cumuler travail et parentalité de « parcours du combattant ». En cause ? Une culture professionnelle qui valorise encore majoritairement l’hyper-disponibilité et l'engagement total à son travail, difficilement conciliable avec les impératifs liés à la vie de famille.

Des stéréotypes persistants au travail
Le secret parenting découle de la peur d’être perçu comme moins fiable, moins performant, ou de voir sa progression professionnelle freinée en raison de son rôle de parent. Il faut dire qu’une idée reçue persiste au travail : celle que les employés les plus investis, et capable de gérer des responsabilités, sont ceux qui peuvent rester tard, enchaîner les réunions sans contrainte ou se rendre disponibles à la dernière minute.

D'après une étude INSEE de 2020, un tiers des parents estiment que la parentalité a eu un impact sur leur carrière. Conséquence : un stress accru, une pression pour prouver sa valeur et, parfois, un sentiment d'isolement face aux impératifs incontournables : horaires de crèche, enfants malades, réunions scolaires…
Un impact négatif sur les employés… et sur l’entreprise
Si cacher sa parentalité au travail peut sembler être une solution temporaire, cela génère en réalité un stress important. Sentiment de culpabilité, peur d’être découvert, surcharge mentale : les parents concernés sont souvent plus fatigués et moins engagés.
Mais l’impact ne s’arrête pas aux individus. Une entreprise où le secret parenting est monnaie courante risque de voir émerger un climat de défiance et de mal-être. Une étude de l’OCDE montre que les entreprises les plus performantes sont celles qui favorisent un bon équilibre entre vie professionnelle et personnelle. En maintenant une culture où la parentalité est taboue, les organisations se privent de talents précieux, encouragent le burnout et augmentent le turnover.
Comment en finir avec le secret parenting ?

Mettre fin au secret parenting, c’est créer un environnement de travail où la parentalité est reconnue et acceptée sans crainte de jugement. Plusieurs leviers peuvent être actionnés pour permettre à chacune et chacun de vivre sa parentalité sans craindre pour sa carrière professionnelle :
- Instaurer des politiques RH adaptées à la réalité des parents : proposer des horaires flexibles, possibilité de télétravailler en cas d’imprévus familiaux, normaliser le fait de prendre un congé parental à la naissance de son enfant
- Former les managers. Elle et ils peuvent en effet être sensibilisés aux biais inconscients liés à la parentalité, éviter certaines discriminations et favoriser un environnement de travail plus inclusif. Le simple fait d’accueillir avec bienveillance la grossesse d’une salariée ainsi que les défis rencontrés par les salariés-parents au quotidien peut déjà faire une grande différence.
-Mettre fin à la culture du présentéisme en entreprise : enchaîner les longues journées de travail, quitter le bureau en dernier, reléguer sa vie privée systématiquement au second plan ne sont pas des signes d’engagement ou de productivité au travail. A l’inverse donc, un.e salarié.e qui quitte le bureau plus tôt que les autres pour aller chercher son enfant ou s’absente en cas d’urgence le concernant n’est pas moins impliqué ou capable de gérer des responsabilités.
- Valoriser les soft skills des salarié.es-parents. Gestion du stress, capacité d’adaptation, sens accru de l’organisation… Les compétences humaines développées par ces collaboratrices et collaborateurs gagneraient à être plus valorisées et utilisées au sein des collectifs de travail.
En intégrant ces changements, les entreprises ne font pas qu’améliorer le bien-être des équipes. Elles favorisent un climat de confiance et d’engagement particulièrement propice au bon fonctionnement des organisations sur la durée.